totemInstallés à Longuyon en 1954, avec une base aérienne à Marville, les Canadiens quittèrent notre région en 1966/1967 à la suite de la décision du général DE GAULLE de ne plus appartenir à l'OTAN en 1966.
Les canadiens, en remerciement de l'accueil reçu des Français, proposent à la municipalité, présidée par Robert DRAPIER, d'ériger un totem caractéristique de la nation canadienne.
Celui-ci fut inauguré le 11 mars 1967 par le chef indien KHUT LA CHA et sa squaw "Princesse de la Paix", en présence du maire et du conseil municipal ainsi que les 4 colonels qui s'étaient succédés à la base. Après de nombreuses danses et chants indiens accompagnés d'un tambourin, le chef donna sa coiffe au Colonel CHRISTIE, le dernier commandant de la base qui dévoila la plaque apposée sur le socle du Totem.
"En témoignage de l'accueil sympathique réservé par la population française à tout le personnel canadien de la première Wing, Royal Canadian Air Force, ayant séjourné sur la base de Marville pendant les années 1954 à 1967.

Usé par les ans, notre insolite Totem fut remplacé grâce aux Canadiens de la base de LAHR, en Allemagne. Refait à neuf et taillé dans un mélèze, haut de 5,40 mètres, le nouveau totem flambant neuf fut ré-inauguré par Pierre MERSCH, maire, le 8 juin 1986. Il est régulièrement entretenu et certaines de ses parties ont de nouveaux été remises en état, car les intempéries et la pollution auraient tôt fait de venir à bout de cette mémoire du passé. En 2005, le second Totem qui a toujours gardé les sculptures et dessins originels, a du être remplacé.
Il est maintenant en résine, ce qui devrait lui permettre de mieux résister aux outrages du temps.


Yannick Meunier
du Centre d’Etudes Canadiennes de l' université de Paris III a réalisé une étude sur le totem de Longuyon et nous livre un article passionnant.

Le « Totem » canadien de Longuyon

Les Indiens de la Côte nord-ouest du Pacifique érigent des « totems » comme nous des monuments. Sous des aspects divers, le monument rappelle qu’un événement singulier s’est passé près de son lieu d’érection. Le monument sert de support et de rappel à la mémoire. La ville de Longuyon possède un « totem » indien spécialement rapporté de la Colombie britannique (Canada). D’après la plaque qui est scellée sur le piédestal du Totem, il s’agit d’exprimer la gratitude des aviateurs du 1er Wing RCAF pour les Français, mais en réalité ce sont les Longuyonnais qui sont principalement visés par ce témoignage d’amitié. Le 11 mars 1967, devant une foule immense rassemblée autour du Totem, le Maire Robert Drapier fait ses adieux au 1er Wing RCAF, puis le Colonel Robert G. Christie, le Commandant de la base canadienne de Marville, est revêtu d’une imposante coiffe emplumée par le Chef squamish Khut-La-Cha. L’instant est magique, incroyable. La scène est inédite dans l’histoire de la France et elle se tourne précisément à Longuyon, place du général Leclerc.

Cependant, l’instant est confus. La ville inaugure un « totem » indien avec un « vrai » indien, alors qu’en réalité il s’agit du cadeau de départ du 1er Wing RCAF obligé de quitter la France suite aux déclarations du Président de Gaulle. Ce que nous voyons est bel et bien un « totem », mais vidé de son contenu autochtone. Le message que le monument indien suggère à travers ses sculptures est occulté par la fonction médiatrice qu’on lui attribue généralement. Pour preuve, le discours que tiennent les militaires et le maire de l’époque prône l’amitié entre les peuples et non l’histoire du « totem » et encore moins celle des Indiens du Canada. Le « totem », qui est un élément de la culture autochtone, devient à un moment particulier des relations franco-canadiennes un symbole pacifique du Canada. Evidemment, le regard que portent les Indiens sur le « totem » est différent de celui du 1er Wing RCAF ou des Longuyonnais. Appelé mât héraldique dans le milieu de l’ethnologie, il évoque par ses figures une histoire ou un mythe spécifique au propriétaire du mât, souvent un Chef indien, pour qui l’œuvre a été sculptée. L’histoire contenue dans le mât est strictement personnelle. Elle ne concerne ni les aviateurs canadiens, ni les Lorrains. Seules des circonstances exceptionnelles, comme ici avec l’inauguration du Totem dans le contexte politique des années 1960, ont rendu possible la multiplicité des messages et des histoires. Le « Totem » est une affaire de familles… éclatées, dispersées, entre Vancouver et Longuyon via Marville. Chacun le considère d’après des faits vécus, entendus, ou imaginés. Le regard que porte chaque génération de Longuyonnnais au monument indien l’éloigne un peu plus de sa raison première. Cette rencontre entre deux mondes, deux cultures, fait l’objet d’écriture que j’ai intitulé « les histoires du Totem de Longuyon ». A cet égard, je remercie la Mairie de Longuyon et les nombreux Longuyonnais qui m’ont témoigné de leur profonde sympathie dans la réalisation de ce livre d’histoire et de mémoire.

Yannick Meunier
Centre d’Etudes Canadiennes, Université de Paris III.